Genève construit une expertise dans la crypto-due diligence

Les banques de gestion genevoises sont de plus en plus confrontées à des demandes d’ouverture de compte d’un nouveau type. Elles sont approchées par des individus affirmant avoir fait fortune en investissant dans des cryptomonnaies. Des clients potentiels qui diffèrent souvent des profils classiques acceptés dans les banques privées: plus jeunes, volontiers nerds et plus ou moins en marge du système bancaire traditionnel. Ce qui déclenche essentiellement une réponse négative. Pour la plupart des banques, la volonté de capter une nouvelle clientèle passe après la méfiance et l’absence de procédures pour vérifier la légalité de ces avoirs. Cela pourrait changer.

S’appuyant sur le guide pratique de la Finma et des experts externes, son équipe applique une série de contrôles adaptés à ce type de clientèle. Sur l’origine des fonds investis tout d’abord, comme pour tous les clients: «Il faut comprendre l’arrière-plan économique du client, établir la plausibilité des montants impliqués et l’historique des opérations.» Sur son entrée dans le monde crypto, ensuite: «Quelles plateformes d’échange a-t-il utilisées, sachant que certaines sont moins transparentes sur la chaîne d’acquisition que d’autres?»

La cryptomonnaie utilisée constitue un autre indice à étudier, enchaîne Pierre Besson, autre spécialiste du risque à l’UBP: «Les cryptodevises traditionnelles comme le bitcoin ou l’Ether présentent moins de risques que d’autres cryptomonnaies.» Le comportement du client potentiel est également scruté: «S’il a beaucoup investi, la reconstitution de son historique de trading exigera une analyse plus approfondie; s’il a reçu un afflux de cryptos, le client devra pouvoir expliquer leur origine, par exemple.» La sortie du monde crypto, enfin, devra elle aussi être documentée. Dans ce cadre, l’UBP écarte tous les dossiers présentant une incertitude potentielle ou un fait inexpliqué.

La société effectue une due diligence en deux étapes. La première repose sur un examen du dossier (éliminatoire dans 50% des cas) et une rencontre physique avec le client potentiel: «Trente pour cent d’entre eux acceptent de nous rencontrer, ce qui est une condition indispensable pour nous», poursuit le financier féru de nouvelles technologies. Cette étape permet aux demandeurs de prouver qu’ils contrôlent effectivement les cryptomonnaies qu’ils affirment détenir, en effectuant une extraction des données sur des plateformes d’échange ou en signant un message depuis leur portefeuille électronique («wallet»).

La deuxième étape, plus technique, vise à reconstituer la constitution de la cryptofortune. La blockchain permet de retracer l’intégralité des opérations effectuées par un investisseur et les adresses de ses contreparties, rappelle Olivier Cohen, qui envisage d’offrir ses services de compliance sur le marché des ICO, les levées de fonds en cryptomonnaies.

Il est aussi possible d’évaluer la proximité d’un potentiel client à des phénomènes criminels en analysant la «teinte» des bitcoins ou autres ethers. Prenons l’exemple d’un client qui recevrait un bitcoin, de la part de trois adresses. On dit que l’adresse du client est «teintée» à 33% par chaque expéditeur. Comme n’importe quel billet de 100 francs, sauf s’il sort tout droit de la Banque nationale, a probablement été utilisé un jour ou l’autre pour acheter de la drogue ou financer des activités illicites.

Source : Le Temps

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