Face au contrôle de masse des citoyens sur le réseau, les «hacktivistes» d’Anonymous ou de WikiLeaks font figure de dernier rempart pour la défense de la vie privée. Les explications de l’anthropologue Gabriella Coleman.
Avant que les cybermilitants n’émergent dans les médias à la faveur, notamment, des révélations de WikiLeaks, l’anthropologue américaine Gabriella Coleman s’est immergée, dès 2007, dans la nébuleuse Anonymous, dont elle est à ce jour la meilleure spécialiste. Titulaire de la chaire Wolfe de littératie scientifique et technologique à l’Université McGill de Montréal, elle observe que les communautés de hackers, dans leur diversité, sont au cœur de la «bataille rangée concernant l’avenir de la vie privée et de l’anonymat». Dans une étude approfondie, qui vient de paraître en français*, elle dépeint l’évolution de ces «hacktivistes». Venus d’horizons idéologiques très divers, ils mettent leur compétence technique au service de «la bataille pour les libertés civiles».
Quelle est votre définition du hacker, au-delà du cliché du pirate informatique?
Gabriella Coleman: Il y a plusieurs types de hackers: des programmeurs, des administrateurs système, des gens qui s’introduisent dans des systèmes informatiques… Pour ma part, je définis le hacking comme une pratique, souvent orientée vers l’informatique mais pas exclusivement, qui combine le savoir-faire, la recherche de l’excellence, et l’astuce, l’art du détournement. Le savoir-faire, c’est la tradition; l’astuce, c’est le défi à la tradition. Les deux se rencontrent dans le hacking. On l’a vu avec WikiLeaks, qui a renouvelé la manière de «lancer l’alerte». Il y a aussi un grand attachement à l’ingéniosité et à l’humour. Et même si le discours peut être très individualiste, les pratiques, elles, sont souvent très collectives.
Source: Cyberbataille autour des libertés civiles – La Liberté